09 février 2012

Ça veut dire quoi, «  Kino » ?

« Se souvenir de Michelangelo Antonioni exclusivement comme du cinéaste de l’incommunicabilité, ça serait trop le réduire. » Giorgio Passerone, professeur de littérature et de civilisation italienne à Lille 3 veut faire un portrait assez personnel de cet intellectuel de son pays pour ceux qui ne l'ont pas bien connu. Cette intervention fait partie d’une nouvelle édition de « Rendez-Vous Carto’ », le ciné-club classique promu et dirigé par ce M. Passerone. On trouve là un groupe hétérogène de cinéphiles, attentifs et enthousiastes : une femme d’âge mûr à l’air bohème mais aussi avec quelques gouttes d’innocence quand elle écoute notre protagoniste, un couple très amoureux surtout pendant les scènes érotiques ou même de jeunes étudiants Erasmus qui ont été encouragés à venir par leur professeur de littérature italienne. Les conseils des enseignants sont une bonne invitation.

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Mardi, 20h. Le film de cette soirée c’est « Identificazione di una donna » projeté pour la première fois en 1982, mais récupéré pour l’occasion. Après un quart d’heure de paroles d’introduction à l’univers d’Antonioni, un bruit assourdissant tel une alarme nous plonge au début du long métrage. L’image et le son ne sont pas d’une grande qualité à cause des défauts de la copie, mais ça n’empêche pas les amoureux du cinéma de continuer à être attentifs à chaque geste, à chaque mot, à chacune des réactions des personnages... Le temps passe vite, et les cinéphiles ne veulent pas quitter leur siège, ils en profitent pour poser des questions au professeur même s’il est àdéjà 23h. Finalement, c’est la qualité douteuse de la copie qui est devenue le thème principal du débat, même si l’atmosphère respire une affection spéciale au cinéma d’auteur, celui de raconter des histoires qu'on ne peut pas oublier.

Le Kino-Ciné est l’unique salle classée Art et Essai implantée dans une université à fonctionner à l’année, avec des projections régulières. C'est ainsi qu’on présente le Kino-ciné de l’Université Lille 3, un animal d’un autre temps, un phénomène impopulaire dans cette mondialisation néolibérale des complexes cinématographiques et des mannequins qui jouent à être acteurs. On peut trouver là des films d’actualité, des films rares, des films cultes, de films totalement inconnus, des soirées thématiques ou même des soirées de psychologie. Toutefois, la crise affecte toujours les moins puissants et c'est aussi ce qui est arrivé au Kino-ciné. C’est un cinéma qui tient grâce aux bénévoles (une équipe de 40 !) qui ont pour seul intérêt de diffuser la culture plus facilement.
« C’est dur mais on y arrive, ce n’est pas pour être super-riche, mais ça suffit même s’il y a maintenant une restructuration à cause de la diminution de subventions », nous dit l’une des trois employées du Kino, qui viennent s'ajouter à l'équipe des bénavoles. Bien qu’elle ne connaisse pas très bien l’histoire du Kino, car elle n'y travaille que depuis 5 mois, elle peut nous décrire la situation actuelle de la salle.

« Les problèmes, on en a forcément parce que le financement est juste, le travail est énorme, c’est difficile de suivre le rythme, puis en plus la salle nous est gentiment prêtée par la fac mais on n'est pas "chez nous", et il y a des séances qu'on est obligés d’annuler. Le fait d’être un cinéma dans une université fait qu'il y a des gens qui n'osent pas rentrer, on pense que c’est exclusivement pour les étudiants ou alors que ce n’est pas un vrai cinéma, au même titre que n’importe quelle salle de projection».
« Je peux me rappeler les visages de plusieurs personnes du public, c’est vrai, Il y a des habitués qui viennent tout le temps pour défendre le Kino, mais aussi il y a de nouveaux groupes. Cette idée est née pour les étudiants mais il faut dire que les spectateurs plus assidus sont des cinéphiles venus de tous les coins de la ville ».
Javier Calero, étudiant espagnol à Lille3

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